Première mise en bouche ce matin avec les étudiants en BTS du lycée agricole de Suscinio, à Morlaix autour du thème “Porosités”…
“Porosités” est une invitation à s’interroger notre conception occidentale de la nature, de notre environnement, de notre terre. Interroger nos liens, notre place, notre sensibilité, nos imaginaires.
Au Lycée agricole de Suscinio, la nature et le végétal occupent une place importante. L’établissement dispose notamment d’une exploitation biologique expérimentale pratiquant la permaculture et l’agroforesterie. De plus lycéens et étudiants réalisent de nombreux inventaires et chantiers d’aménagement des espaces naturels en lien avec les milieux spécifiques (forêt, landes, tourbières, zones humides…). Le lycée agricole de Suscinio s’intéresse également depuis de nombreuses années aux liens entre l’art et la nature au gré d’une multitude d’ateliers de pratiques artistiques et de résidences d’artistes, en partenariat avec divers acteurs culturels du territoire…
les étudiants seront amenés à s’immerger pendant 2 jours 1/2 dans l’expérimentation autour de cette thématique de “porosités, “en gravure sur Tetrapack… (impression sur presse taille douce avec encres taille douce, sur papier estampe)
Pour ma part, j’entame en parallèle une résidence artistique au sein du lycée, à l’occasion de laquelle je développerai mes propres créations autour de cette thématique;
L’ensemble de nos créations (celles des étudiants ainsi que les miennes) donneront lieu à une exposition au sein des Moyens du Bord à Morlaix en Mai 2018.
Parmi les ressources théoriques proposées aux élèves : le travail de Philippe Descola autour des Indiens Achuar,
Jusqu’à maintenant, dans les rapports entre humains et non-humains, ce sont toujours les humains qui produisent les normes. L’humain est vu comme séparé de la nature et la maîtrisant, la dominant. Nous aurons accompli un grand pas le jour où nous donnerons des droits non plus seulement aux humains mais à des écosystèmes, c’est-à-dire à des collectifs incluant humains et non-humains, donc à des rapports et plus seulement à des êtres…
Les Indiens Achuar montrent qu’une autre relation à la nature est possible. Pour l’anthropologue Philippe Descola, il est temps de penser un monde qui n’exclue pas l’eau, l’air, les animaux, les plantes…
Chez les Indiens Achuar, les plantes sont traitées comme des consanguins (des enfants), alors que les animaux chassés par les hommes sont des beaux-frères. “Voir les Achuar traiter les plantes et les animaux comme des personnes m’a bouleversé : ce que j’ai d’abord considéré comme une croyance était en réalité une manière d’être au monde, qui se combinait avec des savoir-faire techniques, agronomique, botanique, éthologique très élaborés.”
Les Achuar sont animistes : L’animisme est la propension à détecter chez les non-humains – animés ou non animés, c’est-à-dire les oiseaux comme les arbres – une présence, une « âme » si vous voulez, qui permet dans certaines circonstances de communiquer avec eux.
Pour les Achuar, les plantes, les animaux partagent avec nous une « intériorité ». Il est donc possible de communiquer avec eux dans nos rêves ou par des incantations magiques qu’ils chantent mentalement toute la journée. A ceci s’ajoute que chaque catégorie d’être, dans l’animisme, compose son monde en fonction de ses dispositions corporelles : un poisson n’aura pas le même genre de vie qu’un oiseau, un insecte ou un humain. C’est l’association de ces deux caractéristiques, « intériorité » et « dispositions naturelles », qui fondent l’animisme.
Parmi les ressources enrichissant cette approche, je citerais aussi l’écopsychologie présentée ici brièvement avec les mots de Théodore Roszak :
“Comme toutes les formes de psychologie, l’écopsychologie s’intéresse aux origines de la nature humaine et des comportements humains. A la différence des autres écoles traditionnelles de psychologie, qui se limitent aux mécanismes intrapsychiques ou à une sphère sociale étroite n’allant pas au-delà de la famille, l’écopsychologie est sous-tendue par la thèse selon laquelle, à ses niveaux les plus profonds, la psyché reste affectivement reliée à la Terre qui nous a mis au monde. L’écopsychologie suggère que nous pouvons comprendre nos transactions avec l’environnement naturel – la manière dont nous usons ou abusons de la planète – comme des projections de nos besoins et désirs inconscients, de la même façon que nous interprétons les rêves et les hallucinations pour comprendre ce qu’il en est de nos motivations profondes, de nos peurs et de nos haines. »
Et puis….Chamanisme, ethnobotanique, écologie profonde, écoféminisme… les pistes de lectures passionnantes ne manquent pas!
Une émission au sujet de l’écopsychologie par Leili anvar :